A quelques mois de la tenue des élections législatives et la présidentielle, la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) part à la traque des financements des entreprises médiatiques, les télévisions en tête de liste, mais l’opération s’annonce difficile. Déjà, un litige avec la Banque centrale de Tunisie commence à se manifester. En effet, entre la BCT et la Haica, le torchon brûle

La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle a réclamé auprès de la Banque centrale des informations relatives aux transactions financières de certaines entreprises médiatiques tunisiennes dont notamment des télévisions. Mais la BCT, selon Hichem Snoussi, membre de cette instance de régulation de l’audiovisuel, aurait refusé la divulgation de ces états financiers. Suite au rejet de cette demande, la Haica s’est adressée à l’Instance nationale d’accès à l’information (Inai)  et a déposé une plainte contre la BCT afin de pouvoir disposer des documents demandés.

Réagissant à ces accusations portées par la Haica, la BCT a tenu à préciser, dans un communiqué publié mercredi,  que « les informations à caractère financier sont des données protégées, et ce, en vertu de la disposition de protection des secrets professionnels ». Exprimant sa disposition à coopérer seulement si l’Instance nationale d’accès à l’information l’autorise à le faire.

«La Banque centrale de Tunisie est prête à présenter à la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle les données relatives aux mouvements financiers qui concernent certaines chaînes de télévision, si l’Instance d’accès à l’information l’autorise à le faire », a, en effet, expliqué l’Institut d’émission.

Mais pour Hichem Snoussi, la BCT est appelée à faciliter le travail de l’instance, comme l’exige la loi, affirmant que « ces transactions financières sont tellement importantes que seuls des pays et des Etats peuvent les assurer ».

Il faut noter, dans ce sens, que l’Inai est une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elle a été créée en 2016, conformément à la loi organique relative au droit d’accès à l’information, afin de garantir l’application de ce droit constitutionnel. Mais, rappelons-le, l’instance souffre d’un manque accru de moyens et ressources, ce qui entrave l’avancement de sa mission, comme l’a toujours souligné son président, Imed Hazgui.

Une ingérence politique

Dans des déclarations et interventions médiatiques, le membre de la Haica Hichem Snoussi n’y est pas allé par quatre chemins en évoquant la mission de l’instance, mais aussi certaines entraves qui empêchent l’application de la loi et la régulation du secteur audiovisuel, dont notamment l’ingérence de certains partis politiques, Ennahdha en particulier.

En effet, Snoussi a clairement accusé le parti Ennahdha de vouloir mettre la main sur certains médias, affirmant que la Haica s’est adressée directement à son président, Rached Ghannouchi l’appelant à cesser d’appuyer des médias hors-la-loi. Il a cité en particulier le cas de la Radio Zitouna dont le directeur de diffusion n’est autre qu’un responsable de communication auprès du parti Ennahdha, a-t-il expliqué, dénonçant les agissements de ce parti qui s’oppose à l’application de la loi contre cette station de radio. «Tous les partis politiques veulent influencer les médias, mais certains ambitionnent de les transgresser en créant une situation d’instabilité dans le paysage médiatique. Ils veulent mettre la main sur tous les médias, dont les médias publics », confirme-t-il.

Evoquant le cas de la chaîne Nessma TV, Snoussi a regretté également la position de l’Union générale tunisienne du Travail (Ugtt) qui a soutenu la chaîne en dépit de sa situation illégale. Et de confirmer que son patron Nabil Karoui refuse toujours d’appliquer la loi. Pour ce membre de la Haica, le ministère public et tous les appareils de l’Etat sont appelés à intervenir pour résoudre le cas de trois entreprises médiatiques hors-la-loi, à savoir Nessma TV, Zitouna FM et Zitouna TV. « Si nous perdons ce combat, nous pouvons dire au revoir à l’activité de l’instance et à l’application de loi. Nous voulons un paysage médiatique libre et diversifié mais régi par la loi».

Pour sa part, Nouri Lajmi, président de la Haica, a annoncé, il y a quelques jours, que l’instance a parachevé toutes les démarches nécessaires et donné tous les délais aux chaînes de TV, Nessma et Zitouna, ainsi qu’à la station radio Zitouna. Et d’appeler les autorités concernées à veiller à appliquer les décisions de la Haica concernant ces chaînes qui diffusent illégalement. Comme il a appelé le ministère public à réagir aux attaques et intimidations que mène la station Zitouna FM contre les membres de l’instance.

La Haica avait appelé ces trois chaînes à cesser de diffuser immédiatement, soulignant que toutes les chaînes en situation irrégulière doivent arrêter toute émission sous peine de recours à l’application par la force de la loi.

L’ARP soutient la Haica 

Mercredi dernier, Nouri Lajmi a eu un entretien avec le président de l’ARP, Mohamed Ennaceur, pour revenir sur la situation de son instance après le dépassement des délais de son fonctionnement, six ans après sa mise en place.  Selon Lajmi, Ennaceur a confirmé le soutien de l’ARP à l’Instance et lui a demandé de poursuivre le travail jusqu’à l’élection de la nouvelle instance.

Il faut rappeler dans ce sens que la chaîne Nessma TV avait considéré que l’instance de régulation de l’audiovisuel ’’n’existe plus’’ puisque le décret qui en porte création stipule un mandat de 6 ans, qui a expiré le 3 mai 2019. « De ce fait, l’instance n’a plus ni existence légale, ni cadre législatif, en rapport avec les décisions qu’elle prend», a-t-on affirmé.

Résumé de la situation. A quelques mois des élections, le paysage médiatique semble s’enfoncer au cœur d’une tourmente compte tenu de grands enjeux politico-économiques. Voulant réguler le secteur et poursuivre sa mission jusqu’à l’élection de la nouvelle instance, la Haica se trouve ainsi confrontée à de multiples conflits épineux.

Un commentaire

  1. Boufares

    19/05/2019 à 09:15

    La Haica a le droit à l‘information et la BC doit aussi aider à appliquer la loi sur les blanchissements,L argent sale et l‘influence des étrangers sur pays.

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